Informations juridiques sur l’application des obligations sanitaires

Attention : ces informations sont en date du 17 septembre 2021, de nombreuses luttes et recours juridiques sont engagés et peuvent changer certaines dispositions.

Selon la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, le passeport sanitaire concerne depuis le 30 août (30 septembre pour les salarié-es de moins de 18 ans) jusqu’au moins le 15 novembre tous-tes les salarié-es, prestataires de services et bénévoles en relation avec le public.
L’employeur peut-il obliger à vacciner ses salarié-es ? Peut-il les licencier ?…. Cette note recense les obligations auxquelles ces salarié-es sont réellement astreints, ce qu’ils et elles risquent en cas de non-observation de ces obligations et quels sont les moyens de défense.

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Qui est concerné_e ?

Le passeport sanitaire est devenu obligatoire pour travailler dans certains secteurs d’activités. Tous les salarié-es, bénévoles, prestataires de service, des restaurants, cafés, théâtres, transports publics, bibliothèques, cinémas, hôtellerie, salles de sport, centres commerciaux de plus de 20 000 mètres carrés sont concernés, soit environ 1,8 million de personnes.

Toutefois cette obligation ne concerne pas les salarié-es suivant-es :
• Les salarié-es précité-es qui travaillent « dans des espaces non accessibles au public » ou « en dehors des horaires d’ouverture au public ». Les salarié-es effectuant des livraisons ainsi que ceux effectuant des interventions d’urgence sont également exempté-es.
• Les travailleurs-euses en ESAT (établissements et services d’aide par le travail).
• Les professionnels (à l’exception de ceux de santé) exerçant leur activité au siège des organismes gestionnaires des établissements et services sanitaires, sociaux et médico sociaux, lorsque les sièges administratifs sont situés dans les mêmes locaux que les établissements ou services qui y sont soumis.
• Les professionnels en MDPH (maison départementale des personnes handicapées).
• Les professionnels d’établissements et services de protection de l’enfance, même s’ils sont professionnels de santé ne réalisant pas d’actes de soin médical ou paramédical.
• Les salarié-es en congés sabbatique dont le contrat est suspendu.

. En revanche les salarié-es en relation avec le public qui exercent en télétravail ont l’obligation de se faire vacciner. Un doute subsiste toutefois pour savoir si les salarié-es en télétravail à 100 % sont également concerné-es. Si c’est le cas pour les agents publics, quid en revanche pour les salarié-es du secteur privé ?
. Autre point à éclaircir s’agissant de la possibilité pour l’employeur d’imposer le télétravail en cas de refus d’un salarié-e de se faire vacciner. En effet, si l’employeur ne peut pas en période ordinaire imposer le télétravail à ses salarié-es, il peut leur imposer de télétravailler plusieurs jours par semaine en période d’urgence sanitaire…. Cette dernière faculté a toutefois été levée au 1er septembre (LSQ n°18377 du 02/09/21).

Quelles obligations ?

Y’a-t-il une obligation vaccinale pour TOU-TES les salarié-es en contact avec le public ? NON. Ils et elles doivent présenter le résultat négatif d’un test PCR, d’un antigénique ou d’un autotest datant de moins de 72 heures, le résultat d’un test PCR ou antigénique positif attestant du rétablissement au Covid-19, le QR code d’un schéma vaccinal complet ou l’attestation d’une contre-indication médicale à la vaccination.

Toutefois, la loi du 5 août impose la vaccination à partir du 15 septembre pour :
1. tous les personnels des établissements de santé et médico-sociaux comme les EHPAD
2. les aides à domicile
3. les salarié-es des entreprises de transport sanitaire
4. les pompiers
5. les gendarmes
6. les personnels navigants et militaires affectés aux missions de sécurité civile
7. les personnels des services de santé au travail comme les médecins du travail
8. tou-tes les étudiant-es en santé.
9. l’ensemble des personnels fonctionnaires travaillant au sein des établissements de
santé, quelles que soient leurs missions (circulaire du 10 août),

En revanche, ne sont pas concernés par l’obligation vaccinale les professionnels des crèches,
des établissements ou services de soutien à la parentalité ou d’établissements et des services
de protection de l’enfance.

. Il est à noter que les personnels soumis à une obligation vaccinale, et non à la seule présentation d’un passeport sanitaire, ne peuvent bénéficier d’une possibilité de reclassement sur un autre poste ou d’une mise en télétravail. Concrètement jusqu’au 15 octobre inclus [ensuite il faudra présenter un schéma complet de vaccination], pour être accepté, le résultat de dépistage devra être accompagné d’un justificatif de l’administration d’une première dose de vaccin.
. Sauf ces cas d’obligation, l’employeur n’a pas à connaître la nature du passeport sanitaire, qui est protégée par le secret médical. C’est pourquoi le respect des gestes barrières et le port du masque restent obligatoires, sauf dérogation. L’employeur peut simplement vivement conseiller le vaccin en mettant en lien avec la médecine du travail.
. Il est enfin prévu de pouvoir s’absenter sur son temps de travail pour un rendez-vous vaccinal ainsi que prendre une journée post-vaccin en cas d’effets secondaires.

Sans passeport valide, risque-t-on d’être licencié que l’on soit en CDD ou en CDI ? NON.
En cas de non-présentation d’un passeport sanitaire valide, le contrat de travail (CDD ou CDI) sera suspendu ainsi que le versement de la rémunération. De même, aucun congé payé ni droit légal ou conventionnel ne pourra être généré durant la période de suspension. A noter que s’agissant des professionnel-les ne respectant pas leur obligation vaccinale et qui voient leur contrat de travail suspendu, ils et elles conservent pendant cette suspension le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles ils et elles ont souscrit [en revanche la loi du 5 août ne dit rien s’agissant des salarié-es soumis au passeport sanitaire].

. Au bout de trois jours, l’employeur doit convoquer le/la salarié-e à un entretien durant lequel
il doit être en mesure de proposer – ce n’est donc pas une obligation !- une ou plusieurs
affectations temporaires sur un poste non soumis au passe sanitaire, c’est-à-dire sans relation
avec le public.
Mais attention ! Même si la présentation d’un passe sanitaire invalide ou la non-présentation d’un tel passeport n’est pas en soi un motif de licenciement, le risque n’est pas exclu. En effet, si l’employeur considère injustifiée une absence prolongée (provoquant par exemple une désorganisation de l’entreprise), une procédure de licenciement pourrait être engagée.
. De plus s’agissant des salarié-es ne travaillant pas dans l’établissement de leur employeur (cas par exemple des démonstrateurs/vendeurs dans un centre commercial), c’est au responsable de l’établissement en question de vérifier le respect des obligations sanitaires.
. Si le/la salarié-e ne peut exercer ses fonctions car ne satisfaisant pas à ces obligations, il ou
elle doit en informer son employeur. En cas de non-respect, il ou elle risque d’être sanctionné-
e pouvant aller jusqu’au licenciement.

. Concernant les alternants : un apprenti qui ne dispose pas du passeport sanitaire alors qu’il
est requis verra lui aussi son contrat suspendu. Cependant, la suspension du contrat de travail
se limite au temps passé en entreprise, à l’exclusion du temps de formation assuré par le CFA
ou l’organisme de formation.

Pour éviter de présenter un passeport sanitaire, puis-je poser des RTT ou des congés payés ? OUI
En principe, le salarié est libre de poser ses RTT et congés payés. En pratique, l’employeur a un droit de regard sur la période et peut s’opposer à la pose de ces congés si elle porte atteinte à la bonne organisation de son entreprise. Il en est de même pour les agents publics, la pose de congés reste soumise à la validation par le chef de service. Mais le risque semble limité, la mesure de passe sanitaire ne durant pas au-delà du 15 novembre prochain, à moins bien évidemment d’un prolongement….

. L’arrêt maladie pourrait sembler être une solution lorsqu’on est opposé au passeport sanitaire. Toutefois attention, si l’employeur a un doute sur le bien-fondé d’un arrêt de travail, il peut organiser une contre-visite médicale au domicile du/de la salarié-e pour vérifier la véracité de la maladie. Si à l’issue de cette contre-maladie, le médecin contrôleur estime que l’arrêt maladie est injustifié, l’entreprise peut cesser le versement du complément de salaire.

Si seulement une partie de mon travail est concerné par l’obligation de passe sanitaire que je refuse, mon contrat de travail est-il suspendu dans sa totalité ? NON
S’agissant des salarié-es dont seule une partie des missions impose de détenir un passeport sanitaire, la suspension du contrat ne concerne que la quotité de temps concernée.
. Le reste des missions du/de la salarié-e se poursuit donc, et la rémunération est versée au
prorata du temps de travail qu’il ou elle a pu effectuer. De son côté, le/la salarié-e soumis au
passeport sanitaire et placé en activité partielle ne voit son contrat suspendu que pour la
partie de ses fonctions qu’il ou elle devait réellement effectuer et conserve ses indemnités pour
la quotité de temps chômée.
A noter que l’employeur ne peut pas exiger ni contrôler le passeport sanitaire d’un-e salarié-e placé-e en activité partielle à 100 %, qui conserve donc sa rémunération dans l’attente de sa reprise effective du travail.

. Enfin, concernant les alternant-es (contrats d’apprentissage ou de professionnalisation), si le
contrat doit être suspendu pour défaut de passe sanitaire, cette suspension ne prive pas
l’alternant-e du bénéfice de sa formation. Le CFA ou l’organisme de formation continuent
donc de l’accueillir et les financements des formations sont assurés

En cas de sanction/suspension de salaire d’un-e salarié-e, quelle défense possible ?


Inutile de se le cacher, la loi ayant été validée en quasi-totalité tant par le Conseil d’État et le Conseil Constitutionnel, il sera difficile pour ne pas dire impossible d’échapper à ses conséquences juridiques.

Quelques pistes quand même :
Rapprochez-vous du syndicat de votre choix, ne restez pas isolé_e, les équipes syndicales ont d’abord un rôle d’information des travailleu.r.ses sur la réglementation applicable du fait de la loi du 5 août, les procédures mises en place, les droits, ce que l’employeur peut ou doit réellement faire et ce qui constituerait des abus punissables judiciairement.
. Ainsi un chef de service ou un patron qui interrogerait ses subordonnés ou salarié-es oralement sur l’obligation vaccinale, imposerait une obligation à des salarié-es non concerné-es ou qui leur ferait remplir un tableau partagé, etc… serait en faute.
. De même dans les cas où la vaccination n’est pas obligatoire, il n’y a pas obligation à présenter un passeport sanitaire, des preuves alternatives de non-contamination sont possibles (test PCR notamment).

S’agissant de la procédure de l’entretien : c’est à l’issue du 3e jour suivant le début de la suspension du contrat que l’employeur doit organiser « un entretien avec le salarié au cours duquel seront examinés les moyens de régulariser sa situation ». « Parmi les moyens de régularisation figurent l’affectation temporaire à un poste non soumis à l’obligation […] ou le télétravail, lorsque les missions sont éligibles à ce mode d’organisation de travail » .
. Aucun formalisme particulier n’est prévu pour cet entretien, mais le ministère recommande d’adresser une convocation en bonne et due forme au salarié-e et de rédiger un compte rendu de l’entretien pour éviter toute contestation. L’entretien ne peut pas avoir lieu dans les locaux de travail soumis à l’obligation de disposer du passeport sanitaire. Le ministère du travail envisage deux solutions possibles : soit organiser l’entretien dans des locaux qui ne sont pas accessibles au public, soit procéder à un entretien en visioconférence. Il existe une troisième possibilité : organiser l’entretien en dehors des heures d’accès du public.
. Par ailleurs si l’employeur n’est nullement obligé de fournir un poste non soumis à obligation de passe sanitaire (auquel cas les règles relatives à la modification du contrat de travail sont susceptibles de s’appliquer), selon le ministère du travail, « tout doit être mis en œuvre pour régulariser la situation et, en cas de contentieux, la recherche d’affectation sera un des éléments que le juge pourra prendre en compte ».
. Il s’agira donc de vérifier et de rapporter les éléments prouvant l’employeur n’a pas respecté les obligations lui incombant (délai de 3 jours, propositions de reclassement sur des postes non en contact avec le public et/ou hors des horaires d’ouverture). Il s’agit également de s’assurer que le ou la salarié-e qui aurait une contre-indication médicale à la vaccination (prouvée médicalement, la liste des contre-indications ayant été fixée par le décret 2021-699 du 1er juin 2021, annexe 2) n’a pas fait l’objet d’une sanction pour refus de s’être vacciné. Voir notamment la décision de la Cour de Cassation s’agissant d’un employé des pompes funèbres refusant la vaccination contre l’hépatite B (https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026183079/ ).

Concernant la suspension des fonctionnaires et agents publics :
Une suspension ne devrait pas s’imposer sur les arrêts maladie et les disponibilités en cours au 15 septembre. Pour les agent-es publics, sur cette question, la jurisprudence dans le cadre des suspensions disciplinaires, indique que la suspension démarre à la fin de l’arrêt maladie (Conseil d’État, 5ème – 4ème chambres réunies, 31/03/2017, 388109).
. On peut penser que la jurisprudence est transposable au dispositif de suspension lié à l’obligation vaccinale et au passe sanitaire, dans la mesure où sa fonction est de traduire l’interdiction d’exercer. L’agent-e public pourrait être formellement suspendu-e durant son arrêt maladie, mais conserverait sa rémunération liée au dispositif d’arrêt maladie.
. Cette même logique pourrait être transposable aux agent.e.s en congé ou en disponibilité puisque ces positions statutaires sont préconisées légalement comme premier recours pour éviter la suspension.

. Il faut également se rappeler que le Conseil d’Etat, dans son avis sur le projet de loi, avait retoqué la procédure de suspension des agents publics sur la base de deux arguments (Avis sur un projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire (conseil-etat.fr) :
• l’absence de consultation du conseil commun de la fonction publique
• l’absence de garanties contradictoires dans la procédure de suspension de rémunération (la
procédure de licenciement ayant finalement été expurgée de la version finale de la loi)
. On pourrait donc imaginer qu’un recours contre une suspension d’un agent public pourrait soulever ces points précis.

. Enfin dans la ligne de notre revendicatif contre la mise en place du passeport sanitaire pour les salarié-es, il a été possible d’en obtenir la levée pour les centres commerciaux de plus de 20 000 m2 par voie judiciaire. Des avocats ont ainsi contesté ceux du département des Yvelines et l’ont emporté.
. Même s’il existe un flou dans le texte de loi, c’est sur la base de l’accessibilité aux produits dit « de première nécessité » qui serait empêchée par la mise en place du passeport sanitaire (le flou résidant sur le lieu précis où sont localisés les biens de première nécessité, à l’intérieur ou dans la proximité proche du centre commercial) que ces derniers ont obtenu la levée judiciaire de l’arrêté préfectoral.
. La fédération SUD Commerce et Services a tenté des recours en prenant appui sur ce même raisonnement mais ses recours ont été rejetés. Appel devant le Conseil d’État a été depuis interjeté.

A noter que la situation sanitaire s’étant améliorée, Bruno Le Maire a annoncé qu’à compter du 8
septembre seuls 64 centres sur les 178 initiaux seraient concernés pas le passe (notamment en région PACA et dans le département 93), ceux-ci y restant soumis tant que le taux d’incidence ne sera pas passé sous la barre des 200 cas positifs pour 100 000 habitant-es.


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