Loi travail² ou XXL, c’est pire que ce que l’on craignait !

[le texte est également disponible en version pdf : Loi travail XXL-2 (1)]

Nous devrons faire face, ensemble, à ces attaques sans précédent.

Le « projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue » (13 pages) qui annonce une « rénovation profonde de notre modèle social » est sorti le 27 juin 2017. Ce n’est pas une réforme de plus, c’est un véritable putsch autoritaire du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif, et les contre-pouvoirs que sont les tribunaux des prud’hommes et les organisations syndicales. C’est une prise d’otage des salarié-e-s par le Capital. Cette première ordonnance donne le ton et la méthode, l’attaque voulue par les capitalistes va être rapide (moins de 6 mois) et massive :

Assurance maladie et assurance chômage (en supprimant les cotisations salariales (p.2) et supprimant les ressources nécessaires à leur fonctionnement et en étatisant Pôle emploi baissant le rôle des syndicats dans les instances paritaires de gestion).

Ouvrir les droits au chômage aux démissionnaires et indépendants (en ne prévoyant pas le financement, et donc créant volontairement un déficit futur)

Formation professionnelle (en privilégiant la formation tout au long de la vie selon les besoins du patronat et de plus en plus sur le temps libre des salarié-e-s)

Apprentissage des – de 25 ans (en les mettant sous la coupe du « bassin économique local »)

Les retraites (en augmentant l’âge du départ à la retraite et diminuant les pensions : fusion des régimes, retraite par points et augmentation de la CSG)

la compensation de la pénibilité sera « simplifiée » (p. 2) (en diminuant des droits que le MEDEF juge comme une « usine à gaz »)

 

Pour légitimer le fait de rogner nos droits, toujours la même musique patronale (nous sommes endetté-e-s, il faut se serrer la ceinture) et la même méthode capitaliste basée sur le mensonge (L’Etat organise la pénurie de financement, ce qui permet de dire que c’est inefficace et de livrer un service public au marché privé ensuite – généralement des copains de la haute bourgeoisie mondialisée).

Ces ordonnances donnent l’autorisation au gouvernement d’agir dans les 6 mois sur ces 6 thèmes attaqués par la suite. En revanche le code du travail, à peine sorti de la loi Travail 1, connait ici sa plus forte attaque de ces dernières décennies. Cette loi Travail XXL annonce très clairement le projet de tuer les contre-pouvoirs existants dans le monde du travail et que chaque salarié-e soit à la merci des décisions du Capital.

I/ Suppression des contre-pouvoirs

– Inversion de la hiérarchie des normes (art 1, p. 8) : il s’agit de faire primer l’accord d’entreprise sur l’accord de branche plus protectrice : « l’entreprise est le lieu [de] la création de la norme sociale » (p. 4), comment nous faire croire que ce sera « le meilleur compromis au plus près du terrain » (p. 4) alors que nous subissons déjà aujourd’hui l’obligation de signer des contrats de merde pour survivre face au chômage et à la précarité. Il ne s’agit donc pas de simplifier le code du travail, mais bien de le détruire puisque chaque entreprise aura son propre droit (et ainsi de favoriser le dumping social et la concurrence entre entreprises)

– Fusion des instances représentatives (art. 2, p. 13) : C’est-à-dire la fusion des comités d’entreprise, CHSCT, délégué-e-s du personnel et syndicaux. En clair, diminuer le nombre de personnes protégées qui osent ouvrir leurs gueules face aux abus de l’employeur (harcèlement, illégalité, pression hiérarchique…) et en même temps poursuivre la surcharge des élu-e-s syndicaux… déjà surchargé-e-s.

– Référendum d’entreprise (Art 1, al. 2, p. 9) : permettre au patronat de faire pression directement sur les salariés par un chantage à l’emploi, en cas de blocage de la part des syndicats.

– Diminuer notre accès aux Prud’hommes (art. 3, al. 1, p. 10 ) : en dégradant les temps des recours (déjà passé de 5 ans à 3 ans en 2014) et en plafonnant les indemnisations éventuelles pour les salarié-e-s en cas de licenciement abusif, d’encourager aussi la « conciliation » moins généreuse envers les salarié-e-s en cas d’abus de la part de l’employeur (art. 3, al. 4, p. 11). Le gouvernement prend la place du législateur et des juges : en se permettant de supprimer les jurisprudences sous le prétexte fallacieux de corriger des « erreurs matérielles ou des incohérences » (Art 6 al. 2, p. 13)

 

II/ La mise en concurrence et le nivellement par le bas de nos droits !

– CDI de chantier ou de mission (Art 3, al. 3, p. 11) : c’est-à-dire un contrat de travail déterminé par l’employeur à tout moment, et qui n’ouvre pas droit à la prime de précarité des CDD. C’est la destruction de la protection principale des travailleur-euse-s : le CDI. L’employeur pourra même faire un « prêt de main d’œuvre » (art. 3, al. 3, p. 11). C’est le retour au servage.

– Mettre notre droit du travail français en concurrence avec les travailleur-euse-s de pays moins protecteurs : par la favorisation de l’emploi de travailleur-euse-s détaché-e-s tranfrontalier-e-s (Art. 5, al. 2, p. 12)

– Favoriser le licenciement économique et le chômage en permettant des plans de départs volontaires non remplacés (Art 3, al. 2, p. 11)

– Tout sera négociable par le bas de la part du patronat (art 1 p. 8) : les 35h, la mobilité, la compensation de pénibilité (art. 5 p. 12) , rémunération, heure de nuit (art 3, al. 3, p. 11), heures supplémentaires, le travail du dimanche non majoré (art. 7 p. 6)… Et cet article prévoit même que nous ne serons pas indemnisés en cas de refus de modification de notre contrat de travail précédemment signé.

 

III/ Un putsch du capital sur la démocratie savamment organisé

Diminuer l’impôt des riches en augmentant l’impôt des classes laborieuses (ex : suppression de l’exonération de 30% pour l’emploi d’un-e salarié-e à domicile et garde d’enfants), tout en privatisant les services publics. (Art. 9 p. 6) La négociation ne se fera que par le bas. La preuve en cas d’accord d’entreprise plus protecteur que l’accord de branche , « les organisations d’employeurs peuvent faire valoir leur opposition à une extension ainsi que les pouvoirs du ministre chargé du travail ». (Art 4, p. 12)

En clair, la plus-value réalisée par les capitalistes au cours des années de « mondialisation » (1980 à auj.) qui a été possible par la financiarisation du monde, l’externalisation et la délocalisation ne peut plus se faire (revendications salariales dans les PED et émergents). Le profit se fera encore plus sur notre dos : En marche et crève !

Il parle de « rendre les relations plus prévisibles et plus sereines et de sécuriser les nouveaux modes de travail pour redonner confiance à tous, salarié-e-s comme employeurs ». Pour notre part, parce que nous subissons déjà ce monde du travail, nous n’avons pas confiance. Nous sommes ennemi-e-s de classe car nos intérêts matériels et moraux sont divergents. Il ne s’agit pas de sécuriser mais de soumettre les travailleur-euse-s au capital.

Pour faire passer la pilule aux syndicats réformistes, le gouvernement veut modifier les sources de financement (art 2, al. 5, p. 10) et le système d’implantation syndicale, et menace d’une loi de moralisation sur les pratiques syndicales (art 4, al. 4, p. 12). Pour Solidaires 38, nous sommes pour une totale transparence permettant la confiance entre salarié-e-s et syndiqué-e-s.

Nous appelons dès maintenant à construire un large mouvement de contestation sociale par la grève et les manifestations.

 


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